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8 juillet 2013 1 08 /07 /juillet /2013 12:02

Par delà les réactions démesurées et politiciennes qu’elle a suscitées, la décision du Conseil constitutionnel confirmant le rejet du compte de campagne de Nicolas Sarkozy, et impliquant le non remboursement public d’une partie des frais engagés, a le mérite de rappeler aux Français que les dépenses électorales sont réglementées et, contrôlées avec rigueur.

La France a mis en place, depuis les années 1990, une législation précise concernant l’ensemble des campagnes électorales, depuis les municipales (quand la population est supérieure à 9 000 habitants) jusqu’à la présidentielle. A partir de 2014, les élections sénatoriales, jusqu’alors exclues, seront-elles aussi concernées.

Cette législation repose sur les bases suivantes.

Chaque candidat doit retracer, dans un compte mis en forme par un expert comptable, l’ensemble des dépenses à caractère électoral, engagées par lui-même (et ses soutiens) durant une période d’un an précédent l’élection. Le candidat ne pouvant effectuer lui-même aucun mouvement d’argent, doit obligatoirement désigner un mandataire financier, seul habilité à signer (et à encaisser) chèques et, dans d’étroites limites, l’argent liquide.

Le plafonnement des dépenses constitue l’élément essentiel de cette législation. En effet, pour éviter les débauches et dérives financières que l’on constate, par exemple, aux États-Unis, - et qui limite les campagnes aux candidats fortunés - le législateur a fixé, pour chaque type d’élections un plafond de dépenses.

Ainsi, pour une élection législative dans une circonscription type (120 000 habitants), le plafond s’élève à 56 000 euros. Pour l’élection présidentielle le plafond est de 22 509 000 euros.

Le respect de ce plafond est impératif : tout dépassement est sanctionné. Ce plafonnement entraîne l’interdiction de certaines dépenses comme le recours à la publicité dans les médias (en dehors de la propagande officielle, tellement convenue qu’elle n’intéresse plus grand monde). Pour s’assurer du respect de ces règles, le législateur a mis en place un gendarme particulièrement vigilant : il s’agit de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, autrement dit la CNCCFP. Composée de 9 magistrats indépendants issus, par tiers, du Conseil d’Etat, de la Cour de Cassation, de la Cour des comptes, elle est présidée depuis 2005 par M. François Logerot, ancien premier président de la Cour des comptes (2001-2004). Pour accomplir sa mission de contrôle et de vérification des comptes, la commission dispose d’un budget annuel de moins de 6 millions d’euros, ses agents permanents (une quarantaine) étant assistés de 150 à 200 vérificateurs vacataires à temps partiel recrutés parmi les fonctionnaires et magistrats en activité ou en retraite pour examiner les comptes électoraux dans des délais limités.

L’expérience et l’expertise acquises au fil du temps par la commission sont exposées dans les 14 rapports d’activité publiés depuis 1990 (le dernier en avril 2012). Jusqu’en 2007, les comptes de l’élection présidentielle échappaient à son contrôle, le Conseil constitutionnel étant alors seul compétent. A la suite des élections de 2002, ce dernier a préconisé le transfert à la commission de l’examen des comptes, - ce qui a été fait pour l’élection présidentielle de 2007 - tout en demeurant, en dernière instance, juge des décisions de la CNCCFP. En effet, la CNCFFP n’est pas une juridiction : les sanctions qu’elle est amenée à proposer, en application des dispositions législatives, sont soumises aux juridictions compétentes : conseil d’Etat pour les élections locales, Conseil Constitutionnel pour les élections législatives et présidentielles.

La décision rendue par le Conseil constitutionnel est donc bien différente de celle de 1995. On sait, aujourd’hui, qu’à l’époque, les vérificateurs du Conseil avaient contesté la sincérité des comptes d’Édouard Balladur et de Jacques Chirac (ce dernier élu) et proposé leur rejet. Pour des motivations politiques, le président du Conseil constitutionnel d’alors, Roland Dumas, avait usé de son influence auprès des membres du Conseil pour obtenir la validation des comptes en question en occultant les irrégularités.

Le Conseil constitutionnel pour prendre sa décision, disposait de l’examen complet et détaillé mené par les experts de la CNCCFP. Cet examen faisant apparaître de multiples irrégularités, en particulier la sous-estimation de certaines dépenses, la commission avait refusé de valider les comptes. Conséquence automatique de ce rejet, le non remboursement par l’Etat des dépenses financées par les ressources propres du candidat.

Avant de prendre cette décision de rejet, la commission avait demandé à N. Sarkozy et à son mandataire financier des éclaircissements qu’ils n’ont pas obtenu, ce qui témoigne d’une certaine légèreté (ou d’un sentiment d’impunité ?).

Saisi en appel, le Conseil constitutionnel a lui même procédé à des vérifications détaillées et contradictoires. Il a approuvé les analyses de la CNCCFP sauf sur un point important : la frontière entre les dépenses du Président-candidat (aux frais de l’Etat) et celles du candidat-président (qui doivent figurer dans le compte de campagne). La CNCCFP, qui avait été alertée par les socialistes sur cette confusion possible, avait alors précisé sa doctrine à ce sujet – y compris à l’équipe de campagne de N. Sarkozy – en considérant que seules les manifestations présentant un caractère électoral avéré, devaient être prises en compte. Or, la CNCCFP a remarqué que le compte déposé « ne contient aucune dépense se rattachant à une manifestation ou à une action de propagande antérieure au 15 février 2012, date de la déclaration publique de candidature » alors qu’elle considère que certains déplacements du chef de l’Etat présentaient un caractère électoral. Au-delà même de la dépense en cause, cette observation était lourde de conséquences. En effet, toute dépense prise en charge par une personne morale autre qu’un parti, en l’espèce l’Etat, constitue un mode de financement irrégulier et sanctionnable d’un rejet du compte.

Sur ce point – important – le Conseil constitutionnel a désavoué l’analyse de la commission en déclarant que « la législation relative au financement des campagnes électorales n’a ni pour objet ni pour effet de limiter les déplacements du Président de la République non plus que sa participation à des manifestations publiques s’inscrivant dans l’exercice de sa charge ».

Il est donc inexact – voire farfelu – de prétendre qu’un président sortant ne pourrait plus se déplacer la dernière année de son mandat. Il doit exercer la même prudence que tous les élus en poste qui, lorsqu’ils se représentent, évitent les manifestations à caractère électoral marqué ce que la plupart d’entre eux ont parfaitement intégré, en s’appuyant sur la jurisprudence et les conseils de la CNCCFP.

En outre, la sanction consécutive à ce rejet, est moins rigoureuse que celle applicable, par exemple, aux députés qui, dans un tel cas, sont sanctionnés par l’inégibilité et donc la perte de leur mandat, comme ce fut le cas pour deux députées socialistes élues par les Français de l’étranger. S’agissant de l’élection présidentielle, l’inégibilité étant particulièrement inadaptée, seules ont été retenues les sanctions financières à savoir, pas de remboursement par l’Etat et « sanction » au candidat qui doit payer une amende correspondant au montant du dépassement (en l’occurrence 466 118 euros). De plus le candidat doit rembourser l’avance forfaitaire consentie par l’Etat à  chaque candidat en début de campagne (153 000 euros). La prise en charge par l’Etat, dés lors que le compte est approuvé, d’une partie des dépenses, constitue l’un des aspects du financement public de la vie politique.

A cet effet, la législation concernant les recettes est, également, très précise. Trois types de financements sont seuls autorisés : le financement des partis politiques, en argent ou en nature (prise en charge directe de certaines dépenses. S’agissant de N. Sarkozy, l’UMP a participé à hauteur de 6 291 694 euros (27% des dépenses). Tout financement par une personne morale autre qu’un parti politique, par exemple une collectivité publique ou une entreprise privée, est strictement interdit et sanctionné. Deuxième type de financement : les dons des personnes physiques, plafonnés à 4 600 euros maximum par personne, cette contribution donnant droit à une déduction fiscale de 66%. Pour la campagne de N. Sarkozy, 5 817 956 euros (un quart des recettes) ont été collectés à ce titre. Enfin il y a l’apport personnel du candidat, généralement financé par un emprunt : 10 661 127 euros pour N. Sarkozy, soit prés de 50% des dépenses. Seul cet apport personnel du candidat fait l’objet d’un remboursement par l’Etat, avec un plafond fixé à 47,5 % du total des dépenses autorisées (et à condition d’avoir obtenu 5% des voix). C’est ce remboursement dont sera privé N. Sarkozy. Telles sont les règles applicables à toutes les élections politiques. Dans cette affaire, il apparaît clairement que l’équipe de campagne de N. Sarkozy a fait preuve de légèreté, pour ne pas dire d’amateurisme. En effet, l’examen du compte de N. Sarkozy fait apparaître que de multiples dépenses ont été omises pour un total de 1 532 951 euros selon la CNCCFP, somme portée à 1 635 454 euros par le Conseil constitutionnel, soit une dissimulation atteignant 7,6% des dépenses ce qui est considérable !

La réintégration de ces sommes omises (volontairement ?) aboutit à un dépassement du plafond de dépenses de 466 118 euros. C’est moins le montant du dépassement qui est en cause que l’ampleur des dépenses dissimulées. Le cas du meeting de Villepinte, le 11 mars 2012 est significatif. Cette réunion a coûté 3 042 355 euros. Le candidat a inscrit dans son compte une dépense de 1 538 037 correspondant à 50,4% du coût total, au motif que le matin s’est tenu un conseil national extraordinaire de l’UMP pour préparer les élections législatives et à ce titre, financé par l’UMP. La CNCCFP relève que le conseil national a accueilli 5 000 personnes, alors que la réunion publique concernait 80 000 participants, selon le site officiel du parti, chiffre réduit à 50 000 personnes par le candidat dans sa réponse à la commission. De ce fait la commission a considéré que la clé de répartition des dépenses, entre le parti et le compte de campagne, n’était pas satisfaisante. Le candidat a bien proposé de retenir les 2/3 de la dépense, mais la commission a réalisé une « juste appréciation » en réintégrant dans le compte 80% des frais de location et d’organisation et 95% du coût du transport des participants. Le conseil constitutionnel l’a suivi sur ce point. Montant de la dépense réintégrée : 1 063 865 euros, somme correspondant aux deux tiers, du montant total réintégré.

Loin d’être une injustice, les décisions de rejet de la CNCCFP en première instance puis, du Conseil Constitutionnel en appel, correspondent à l’application normale de la loi. Elles témoignent surtout de la légèreté  et de l’amateurisme de son équipe de campagne de N. Sarkozy au regard des contraintes que la législation impose à chaque candidat, depuis le maire jusqu’au député, et qu’elle ne pouvait ignorer.

Pourquoi un Président de la République, par ailleurs candidat à sa réélection échapperait à ces contraintes, alors même que sa fonction lui impose un devoir d’exemplarité ?

Cette décision démontre la rigueur avec laquelle la CNCCFP contrôle les comptes de campagne. Elle assure sa crédibilité aux yeux de l’opinion publique qui découvre, à cette occasion, que les dépenses électorales, y compris présidentielles, sont réglementées et contrôlées de manière rigoureuse. On est décidément très loin des campagnes anciennes où l’opacité et l’absence de législation se traduisait par des financements occultes et une utilisation des fonds secrets. Une illustration exemplaire des progrès accomplis depuis vingt ans dans les rapports entre l’argent et la politique.

 

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Published by René Dosière