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13 janvier 2017 5 13 /01 /janvier /2017 15:25

Le sujet de France 2 consacré aux retraites des députés, diffusé dans le 20 heures du mercredi 11 janvier est, non seulement partial, mais inexact sur de nombreux aspects. En outre ma participation à cette émission a fait l’objet d’une manipulation malhonnête de la part de la journaliste qui a détourné le sens de mes propos.

Une information partiale et très orientée

Le reportage repose sur un à priori que le journaliste s’efforce d’illustrer : la pension de retraite des députés est beaucoup plus avantageuse qu’une retraite professionnelle. En résumé : on cotise moins pour gagner plus.

Ce raisonnement repose sur une confusion totale : être député ne constitue pas un métier que l’on exerçait tout au long de sa vie, mais une fonction à durée déterminée (on le vérifiera lors des prochaines élections). La durée moyenne d’une vie parlementaire est de 7 ans, ce qui correspond à un, ou deux mandats. En outre, l’âge de début de mandat est variable, souvent autour de 45/50 ans, et l’âge de départ varie lui aussi beaucoup. Actuellement, 92 parlementaires (soit 16%) ont plus de 70 ans, âge où la plupart des actifs perçoivent leur retraite depuis des années. Dans ces conditions, vouloir comparer une activité aussi atypique avec une carrière professionnelle n’a aucun sens.

Dans ces conditions, dès lors que l’Assemblée Nationale s’efforçait de calculer la pension parlementaire en s’inspirant des règles générales, il a fallu adopter des modalités spécifiques. Ainsi, pendant les quinze premières années du mandat, la cotisation retraite était obligatoirement double, permettant d’obtenir plus vite les annuités nécessaires, étant précisé que pour obtenir une pension maximum, il fallait 41,5 annuités soit une durée de vie parlementaire de cinq mandats.

Dans ces conditions, les députés pouvant percevoir cette pension sont peu nombreux. Actuellement, ils sont 153 soit 13% des pensionnés. Il est donc tendancieux de focaliser le reportage sur un nombre faible de députés qui constituent des exceptions, plutôt que s’attarder aux cas les plus représentatifs.

Afin que chacun soit informé de manière complète, voici la répartition des retraites versées au 1er janvier 2016 (document remis à la journaliste qui s’est bien gardée de l’utiliser).

Montant brut (avec majoration pour enfants)

Montant brut (avec majoration pour enfants)

Nombre

%

Moins de 1500 euros

183

16

1500-2500 euros

352

31

2500-4500 euros

219

20

4501-5500 euros

115

10

>5500 euros

249

22

TOTAL

1118

100

Ce tableau montre que les pensions des anciens députés sont confortables. En outre, pendant longtemps, elles étaient cumulables, pour les fonctionnaires, avec une retraite professionnelle. En effet, pendant son mandat de député, un fonctionnaire continuait à cotiser pour sa retraite professionnelle. La situation était différente pour un député issu du secteur privé qui durant son mandat, perdait ses droits à une retraite professionnelle (à l’exception de quelques professions libérales). Il a été mis fin à ce cumul. Depuis 2012, un député ne peut plus cotiser à un régime de retraite professionnelle (sauf s’il exerce effectivement une activité professionnelle autorisée). Une loi de 2007 l’interdit pour le secteur public. Concernant les députés du secteur privé, une déclaration personnelle atteste de cet état de fait. Par suite de l’autonomie de l’Assemblée, le non respect de cette disposition conduirait à une suspension de la retraite parlementaire, sans que l’intéressé puisse contester cette décision.

C’est pourquoi, à l’occasion de la réforme des retraites professionnelles en 2010, l’Assemblée a décidé de modifier le mode de calcul de la retraite parlementaire et de mettre un terme à certains avantages injustifiés.

Une information inexacte

En 2010, l’Assemblée a décidé de modifier le mode de pension des députés, avec application aux députés élus pour la première fois en 2012. Les mesures prises aboutissent à une diminution des pensions de 55% ce que la journaliste s’est bien gardée de signaler.

Pire, en interrogeant un nouveau député, elle a cherché à démontrer que le nouveau régime constituait toujours un avantage exorbitant. Ainsi le député retenu souligne que le montant brut de la pension après un mandat s’élèvera à 1129 euros, alors que, dans le privé, pour une période et un salaire équivalent, le montant serait de 542 euros.

Or, le chiffre cité par le nouveau député est inexact. La pension à l’issue d’un mandat de cinq ans s’élève à 758 euros brut. La différence est donc nettement moins forte. Elle n’est pas illégitime si l’on prend en compte les contraintes spécifiques au mandat parlementaire. La somme avancée n’est atteinte que si le député choisit de cotiser à une assurance complémentaire (et facultative) ce que le reportage se garde d’évoquer.

Désormais, pour percevoir la pension maximale, il faudra 43 annuités, mais ce chiffre ne pourra être atteint qu’après 31 ans de mandats, soit en 2043 ! Il est vraisemblable que cette durée sera atteinte par un nombre faible de députés (aujourd’hui seuls 25 députés ont effectué 7 mandats et plus, soit 2% du total).

Rapprocher comme le fait le reportage, cette durée avec celle d’une carrière professionnelle, est un non sens quand on connaît la durée limitée du mandat parlementaire.

Une information tronquée

En fin de reportage, la journaliste conclut que ces avantages ne sont pas prêts de se terminer car les députés fixent eux mêmes les règles des pensions. Cette situation ne constitue pas un privilège, mais l’application d’un principe fondamental en démocratie, qui est la séparation des pouvoirs entre l’exécutif (gouvernement) et le législatif (l’Assemblée). Cette dernière dispose, depuis son existence en 1789, de l’autonomie financière garantie de son indépendance et de celle de ses membres.

Pour autant, il ne s’agit pas de se soustraire aux règles générales. Ainsi la pension n’est versée qu’à l’âge de 62 ans. De même il n’est pas possible de continuer à cotiser à un autre système de retraite quand on est député (ce qui était possible jusqu’en 2012)

Pour ceux qui ont pu être choqués par mes propos, je précise qu’ils ont fait l’objet d’un montage ce qui a permis de les extraire de leur contexte, il s’agit là d’une manipulation malhonnête qui témoigne d’un comportement déontologique curieux. Lorsque je cesserai d’être député, je percevrai la pension telle qu’elle résultait des décisions antérieures et qui ne correspond pas au chiffre, en grosses lettres rouges, dans le reportage et que j’ignorais. Durant mon mandat, j’ai agi pour que l’on corrige les avantages, parfois injustifiés, qui existaient. Sur un autre plan, j’ai proposé depuis plusieurs années que l’indemnité parlementaire soit fiscalisée à 100%. C’est désormais le cas avec la loi de finances pour 2017. Mais qu’on ne compte pas sur moi pour tomber dans l’antiparlementarisme comme le fait ce reportage.

PS : pour davantage de précisions, consulter la note « clarifier la retraite des députés » sur mon blog (11/10/2013).

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Published by René Dosière