Le rapport de la Cour des comptes sur les comptes 2010 de l’Elysée est loin d’être « le satisfecit » que des journaux dénués de sens critique ont développé largement une lecture attentive - et critique – permet de relever quelques « perles ». En voici quelques-unes
1/ le budget de l’Elysée n’a pas diminué sur la période 2008-2010 : il progresse de 5%
Le rapport de la Cour évoque des diminutions au niveau du poste « charges de fonctionnement courant » alors que cette rubrique ne représente qu’une partie (moins d’un cinquième) des dépenses de la présidence. L’évolution n’est donc pas pertinente.
Ensuite, à la fin de son rapport, la Cour parle de « légère décroissance » des dépenses de l’Elysée en évoquant pour 2008 un chiffre (113,6 millions d’euros) que l’on ne retrouve pas dans les annexes statistiques. Curieux …
En réalité, les dépenses de la présidence forment un tout, fonctionnement et investissements réunis. Par exemple, en 2008, le niveau des investissements a été réduit pour financer le fonctionnement.
Dans ces conditions, le budget (dépenses) de la présidence se monte à :
113,182 millions d’euros en 2008
114,287 millions d’euros en 2009
114,097 millions d’euros en 2010
Entre 2008 et 2010, le budget (dépenses) a donc augmenté de 915 000 euros soit de 0,8%.
L’augmentation est, en réalité, plus importante car les deux budgets 2008 et 2010 ne recouvrent pas le même périmètre. Voici les principales différences :
· Les résidences présidentielles de Rambouillet, Marly le Roi et Souzy la Briche, qui figuraient dans le budget 2008 ne sont plus dans le budget 2010. Soit une diminution de charges de 1,8 millions d’euros (sur la base des coûts exposés par la Cour en 2008)
· Le budget 2008 comprend également les dépenses supplémentaires liées à la présidence française de l’Union européenne de cette année-là. Leur montant est estimé à 2 millions d’euros, à partir des recettes équivalentes qui figurent dans les budgets 2008 et 2009.
· Le budget 2008 comprend le coût de la Garden party, supprimée brusquement en 2010 (économie de 700 000 euros) ainsi que le coût des chasses présidentielles, supprimées tout aussi brusquement (montant non connu).
· Enfin, le budget 2008 comprenait l’intégralité des dépenses du restaurant administratif qui a été érigé en budget annexe à partir de 2009. Désormais figure dans le budget la seule subvention d’équilibre. De ce fait le volume budgétaire de 2010 est diminué d’une somme dont l’estimation est malaisée, faute de données précises (500 000 euros ?).
Au total, le périmètre du budget 2008 regroupait environ 5,5 millions d’euros de dépenses que l’on ne retrouve plus dans le budget 2010. Si on enlève cette somme du budget 2008 pour faciliter sa comparaison avec le budget 2010, on obtient les masses budgétaires suivantes :
2008 = 108 millions d’euros
2010 = 114 millions d’euros
La progression réelle est donc de +5,5 %, supérieure à celle des dépenses nettes du budget général de l’Etat (+3,5%)
2/ Le coût de l’avion présidentiel supérieur de 50% aux chiffres annoncés.
Compte tenu de l’opacité entretenue par l’Elysée sur les conditions d’achat et d’aménagement de l’avion présidentiel (Air Sarko One), de nombreuses rumeurs évoquaient des aménagements surprenants (par exemple four à pizza) démentis par l’Elysée.
Le rapport de la Cour des comptes rétablit la vérité des faits : en réalité, il s’agit de deux fours de réchauffement habituels qui ont été modifiés pour être en mesure de griller les aliments. Si le coût de ces deux fours spéciaux est (relativement) modeste : 75 243 euros (HT), il a fallu procéder à des études approfondies (et coûteuses) pour vérifier leur « adaptation aux conditions de sécurité et aux contraintes aéronautiques en condition de vol ». Ces études ont coûté près de 700 000 euros ! De même l’aménagement d’une porte particulière permettant une isolation thermique est revenu à 1 161 500 euros HT (y compris les études préalables nécessaires).
Il s’agit-là des dépenses de confort qui correspondent bien à une présidence « bling-bling ».
Toujours est-il que le coût total de l’avion présidentiel s’est élevé à 259,5 millions d’euros (TTC) et non à 176 millions comme le ministère de la Défense l’avait précisé à mon collègue Jean Claude Viollet, rapporteur pour avis du budget de l’armée de l’air. Une différence de 80 millions, ce n’est qu’en même pas mince, soit +50% !
3/Les déplacements présidentiels : 55 000 euros par jour
L’année dernière, la Cour avait stigmatisé l’absence de pilotage des déplacements présidentiels : chacun, à l’Elysée, y ajoutait son grain de sel (au demeurant coûteux). Désormais, il existe un pilote : le directeur de cabinet. Des procédures ont été engagées avec des résultats spectaculaires : réduction des accompagnateurs (-30%), des locations de voitures et de matériel, etc…C’est dire la marge qui existait…
Selon la Cour, l’hyperactivité du Président est surprenante : le coût total des déplacements s’élève à 20 millions d’euros, soit par jour, une dépense de 55 000 euros.
Il est vrai que le Président se déplace beaucoup : les heures d’avion recensées par la Cour s’élèvent, pour 2010, à 857 heures facturées pour l’année, soit 9100 euros l’heure en moyenne alors que le coût réel supporté par le ministère de la Défense est de 13200 euros l’heure en moyenne.
Il apparaît que du fait de ce prix « d’ami » le ministère de la Défense « soulage » le budget de la présidence de 3,5 millions d’euros, dont lui-même supporte le coût. Est-ce bien le rôle du budget des armées de financer – indirectement – les déplacements du Président ?
Quant aux déplacements métropolitains (deux par semaine), ils sont toujours aussi dispendieux (de l’ordre de 100 000 euros par déplacement). Il est donc parfaitement légitime de s’interroger sur l’ampleur des moyens utilisés pour les déplacements du Président = 3 avions pour aller à Bruxelles (à 200 km de Paris), c’est manifestement excessif. De même l’utilisation de plusieurs avions pour se déplacer en France est particulièrement coûteuse.
4/ A l’Elysée, tout fonctionne le jour de Noël
Dernière surprise apportée par le rapport de la Cour : une convention de régularisation d’une facture de sondages, commandés par l’Elysée, mais payés par les services du Premier ministre, a été signée le ….25 décembre 2010 !!! Faut-il croire qu’il y avait urgence…
Le rapport de la Cour nous apprend que si désormais la rémunération des conseils en communication de l’Elysée a fait l’objet d’un appel d’offres en bonne et due forme (à la suite des remarques antérieures de la Cour) le cahier des charges est tellement flou et vague qu’il est impossible de savoir si les prestations fournies sont à la hauteur de la rémunération (308 000 euros). Poser la question, c’est en quelque sorte, y répondre.
Sans nier aucunement les améliorations apportées, grâce aux recommandations de la Cour, à la gestion budgétaire et financière de la présidence de la République, chaque citoyen doit rester lucide à la lecture des rapports de la Cour sur les dépenses élyséennes. Dans un style volontairement neutre, avec un vocabulaire choisi qui n’appartient qu’à elle, la Cour des comptes soulève de véritables lièvres. Ce fut le cas, en 2008 et en 2009. C’est encore le cas en 2010 et, très sûrement en 2011. Mais le prochain rapport, ne sera public qu’après l’élection présidentielle. La discussion budgétaire de l’automne fournira, avec le rapport toujours bien documenté de mon collègue Jean Launay, rapporteur spécial de la commission des finances, des éléments supplémentaires pour engager un vrai débat politique. En attendant, bonne lecture.